LA CHÂSSE DE L'EGLISE DE SAINT-VIANCE

La châsse de saint-Viance.

CONTEXTE

La vénération des reliques revêt une importance considérable aux XIIe et XIIIe siècles afin de susciter le réveil de la foi de la population et aussi d’assurer des revenus aux religieux. Pendant cinq siècles et demi la châsse de Saint-Viance a été vénérée lors de pèlerinages, mais tout s’est arrêté à la Révolution. La châsse et la boîte aux saintes huiles ont été sauvées de destruction ou de vol, grâce au sacristain de la paroisse, qui a eu l’idée de les cacher dans un vieux fût rempli de seigle. Malheureusement son état de conservation s’est vite détérioré au point qu’il fallut la restaurer en 1842, 1913 et 1983.

C’est la plus grande de toutes les châsses en émaux champlevés conservée en Limousin, avant celles d’Ambazac (Haute-Vienne) et de Chamberet (Corrèze).

La châsse de Saint-Viance a la forme d’une maison rectangulaire, surmontée d’un toit à deux pans, de 85 cm de long, 25 cm de large et 65 cm de haut. Sur le bois d’acajou, constituant l’âme de la châsse, les orfèvres ont cloué un parement constitué de minces feuilles de métal cuivreux, estampés et dorés. Les artisans ont ensuite fixé des bandeaux du même métal sur les premières plaques pour encadrer les thèmes principaux des motifs. La palette des émaux utilisés est très riche : turquoise, bleu moyen, bleu-gris, vert foncé, vert clair, jaune et blanc.

Des personnages en relief sont appliqués sur la face principale de la châsse. Au centre du toit trône le Christ en majesté. Au-dessous la Vierge tient l’Enfant Jésus sur le bras gauche. Tous deux sont inscrits dans une mandorle en forme d’amande. De part et d’autre du Christ et de la Vierge se trouvent huit figurines de saints et d’apôtres Ils sont entourés de colonnes surmontées d’arcatures et de tours dans les angles. Sur les bords latéraux du toit, des bandes incrustées de cabochons de verre et de pierres précieuses colorées, se prolongent à la partie inférieure de la châsse par d’autres bandes, émaillées. 

Six plaques émaillées quadrilobées sont fixés sur l’autre face. Le thème majeur est disposé au centre du toit pour bien le mettre en évidence avec des scènes de la passion, aboutissant à la crucifixion. 

Sur la façade les trois médaillons quadrilobés représentent les principaux épisodes de la vie de saint Viance : 1) le prêtre Savinien est informé par un ange de la mort du saint et lui demande d’aller chercher son corps en Haute Corrèze pour le transporter à Avolca Courte (Saint-Viance). 2) le corps de saint Viance est ramené sur un chariot attelé à un bœuf et un ours, accompagné de Savinien et d’un seul témoin qui symbolise la foule (le miracle de l’ours). 3) L’évêque de Limoges, son diacre et Savinien déposent le corps du saint dans le sarcophage préparé à cet effet dans l’église de Saint-Viance. Des plaques émaillées trilobées, représentant des anges, sont disposées dans tous les angles et entre les plaques. Il existait à l’origine seize plaques de ce type. De nos jours, il n’en reste plus que cinq, les autres ont été volées. 

Une porte à charnières et serrure, restaurée, est placée sur le pignon droit. Le motif  figuré sur cette porte a été volé, mais on peut imaginer qu’il représentait saint Pierre. Sur le pignon gauche, la belle figure d’applique représente l’apôtre saint Jean. 

 

L’inscription émaillée de rouge, placée au-dessus de la scène de l’enterrement de saint Viance est tellement difficile à interpréter que les spécialistes du siècle dernier se sont livrés à diverses hypothèses. On y lit très nettement : SAINSMACNSA. Selon l’hypothèse la plus sérieuse, il pourrait s’agir du nom patois du saint, employé au XIIIe siècle : SAINS VIANSCA, ou Saint Viance, avec une erreur de transcription de la part du graveur qui a travaillé qui était éloigné des lieux.  

La première datation a été établie à partir des armures des soldats qui gardent le sépulcre du Christ et qui seraient caractéristiques de l’époque de Saint-Louis. Les études récentes  montrent que cette châsse peut être datée du milieu du XIIIe siècle, d’après l’examen des décors et des techniques. 

La châsse a dû être commandée par les religieux de l’abbaye d’Uzerche qui possédaient l’église depuis la fin du XIe siècle et en tiraient de gros bénéfices, les plus importants de toutes leurs possessions. 

 

La boîte aux saintes huiles datée du 1er quart du XIIIe siècle.

C’est un coffret rectangulaire en métal cuivreux, surmonté d’un couvercle en forme de toit pyramidal tronqué et d’une boule de préhension. A l’intérieur se trouve encore une feuille de cuivre, fixée par des petits clous sur la paroi interne de la boîte. La plaque de cuivre est percée de trois alvéoles qui contenaient à l’origine trois ampoules ou chrémeaux. Cet objet est aussi en émail champlevé du Limousin. Les quatre faces du coffret sont décorées, chacune, de deux bustes d’apôtres inscrits dans un médaillon. 

 

L’histoire mouvementée de la châsse

Un voleur de grand chemin, un certain Emile Delaunay (Jean-Baptiste Detollenaère, né en 1874)s’est introduit dans l’église, avec un passe-partout, dans la nuit du 5 au 6 août 1908 et emporte la châsse. Deux jours après le vol on retrouve dans un pré les restes de la châsse complètement démontée. Le maire est averti et fait déposer les vestiges à la mairie. Le malfaiteur n’a laissé que quelques objets et les reliques du saint. Malheureusement, des figurines et des plaques émaillées ont été démontées pour être revendues. Un an après, le voleur est arrêté et tué dans son appartement à Paris le 17 juillet 1909. Se voyant pris, n’hésite pas à tirer à bout portant sur l’inspecteur de police, les deux brigadiers de la sûreté et devant la gravité de la situation, il se fait justice. Après une longue enquête, on retrouve la plupart des pièces manquantes, sauf la plaque de la porte de la châsse où figurait saint Pierre, ainsi que des plaques. 

 

La châsse revient à Saint-Viance en mars 1930 et placée dans un coffre-fort dans l’église qui a été réalisé en 1929 pour assurer une protection efficace de ce trésor (ramenée de Paris en voiture par le sénateur Labrousse et le député Jaubert). 

Depuis une vingtaine d’années la châsse est présentée derrière une épaisse vitre blindée, avec alarme, face au maître-autel. Un bon éclairage et un plateau tournant permettent d’admirer toutes les faces de la châsse et la boîte aux saintes huiles. 

La châsse de Saint-Viance a été exposée au Vatican en 1963. Elle a été présentée au Louvre en 1995-1996, puis au Metropolitan Museum à New York en 1996 pour l’exposition «  L’œuvre de Limoges ».

 Delaunay : vols reconnus : Cathédrale de Limoges (1908), musée de Guéret (1909), église de Saint-Vaury (87) en 1908, église d’Aubazine (22 juillet 1908

Propos relevés,auprès de Jean-Claude Blanchet, ancien conservateur général au ministère de la Culture, qui lors d’une conférence a révélé au public de nombreux faits ignorés sur la châsse en émaux champlevés.